Originaire du Mans, Xavier Emery, 32 ans, est aujourd’hui directeur du bureau de Développement international au CIC à New-York. En 2010, il obtient le diplôme en Géoéconomie et intelligence stratégique d’IRIS Sup’. Grâce à sa passion pour les Etats-Unis, sa persévérance et son profil atypique, celui qui se définit comme un pur produit du « soft power américain » est parvenu à s’installer durablement outre-Atlantique. Il nous explique comment.
Vous êtes directeur du bureau de Développement international au CIC à New-York. Quel est votre rôle ?
Mon service au CIC consiste principalement à conseiller et accompagner les clients français et européens du groupe Crédit Mutuel – CIC qui souhaitent développer des projets aux Etats-Unis. Dans cette optique, nous proposons des conseils en développement stratégique, des conduites de veille et d’études de marché afin de donner toutes les informations nécessaires sur l’état du marché, les juridictions, ainsi que sur la fiscalité en vigueur dans l’Etat américain où l’entreprise souhaite investir. En tant que directeur du service, j’anime une équipe de 4 personnes. L’une de mes missions consiste à promouvoir nos services auprès des entreprises européennes. Pour cela, je me déplace deux à trois fois par an en France pour rencontrer nos clients, échanger avec eux et leur fournir des premiers conseils concernant leur projet de développement et les tendances de marché aux Etats-Unis. Je dois également mener des projets de développement pour le compte de nos clients et superviser ceux menés par mon équipe. Je joue aussi le rôle d’intermédiaire entre le CIC et le secteur bancaire américain pour, par exemple, établir des partenariats ou tenir mes collègues français et nos clients à jour des caractéristiques du système bancaire américain. Enfin, je réalise des veilles de marché afin d’identifier de nouvelles tendances, des appels d’offres et ainsi informer nos clients sur les opportunités susceptibles de les intéresser aux Etats-Unis.
De quoi sont faites vos journées ?
Nos clients se trouvent de l’autre côté de l’Atlantique et il y a six heures de décalage horaire entre Paris et New-York. Quand notre bureau ouvre, il est déjà 15 heures en France. Par conséquent, j’y passe l’essentiel de mes matinées afin d’être joignable jusqu’à la fermeture des bureaux en France. Je travaille ensuite sur les projets dont je suis en charge, soit depuis le bureau, soit directement sur le terrain. Je dois, par exemple, régulièrement, avec ou sans nos clients, aller à la rencontre d’éventuels partenaires américains ou assister à des conférences ou salons professionnels, et ce, dans l’ensemble des Etats-Unis. Les secteurs d’interventions sont variés et le profil de mes interlocuteurs aux Etats-Unis également : ils sont intégrateurs de logiciels, responsables marketing dans la grande distribution, importateurs dans l’agroalimentaire, représentants des agences fédérales et d’Etat, ingénieurs en laboratoire pharmaceutique, etc. Une partie de mes journées, voire de mes soirées, est aussi consacrée au réseautage. Dans cette optique, je participe aux différents évènements liés aux secteurs d’activité de nos clients, comme, par exemple, les évènements organisés par des institutions comme la Chambre de Commerce franco-américaine ou des réseaux privés d’affaires comme « French Founders ».
Quel souvenir gardez-vous d’IRIS Sup’ ?
De très bons souvenirs. Notamment la qualité des intervenants. Certains enseignants m’ont vraiment épaté. Quand vous avez l’ancien porte-parole de Mikhaïl Gorbatchev, Andreï Gratchev, qui vient vous parler de la Guerre froide, c’est impressionnant et très enrichissant ! D’une manière générale, nos enseignants sont régulièrement invités dans les médias, cela constitue quand même un indicateur positif quant à la qualité des cours et de l’expertise qu’ils peuvent partager avec les étudiants. D’autre part, j’ai beaucoup apprécié les profils très diversifiés des classes d’IRIS Sup’. La nôtre était constituée d’historiens, de juristes, d’autres avaient un profil plus axé sur le business. Chacun apportait son expérience, sa vision du monde, sa pierre à l’édifice. Nos échanges se sont avérés enrichissants et nous ont permis de voir le monde selon différents points de vue. Riche sur le plan humain, IRIS Sup’ est aussi une expérience enrichissante sur le plan intellectuel. Elle m’a permis d’avoir une très bonne culture géopolitique et de rester attaché et ouvert sur le monde. Mis à part mes compétences utiles à mon métier, j’ai acquis entre les murs de l’IRIS, une grille de lecture pour comprendre et analyser les faits d’actualité.
Cette grille d’analyse vous a-t-elle permis d’anticiper l’élection de Donald Trump ?
Mon expérience à IRIS Sup’ m’a aidé à comprendre le phénomène Trump. Comme tout le monde, je n’ai pas prédit une victoire de Donald Trump, mais cela faisait un an que je répétais à mes amis européens qu’il avait toutes ses chances et qu’il ne fallait pas le sous-estimer. Les Etats-Unis sont vraiment un pays où ce type de personnage peut accéder au pouvoir. Je l’ai notamment compris en fréquentant des Américains de New-York et surtout d’ailleurs. Il ne faut pas oublier qu’ici le choix des électeurs est binaire. L’Américain, à l’heure de voter, n’a globalement que deux options. S’il se sent prioritairement concerné par la lutte contre l’immigration, la sécurité, ou s’il est le supporter d’un Etat fédéral moins interventionniste, il votera pour le candidat qui traite le mieux ces thématiques et ne prendra pas nécessairement en compte les autres thématiques développées par celui-ci.
Au lycée, vous étiez bodyguard en parallèle de vos études. Comment êtes-vous passé de bodyguard à manager au CIC ?
(Rires) C’était un job comme un autre, j’étais agent de sécurité pour financer mes études comme j’aurais pu ramasser des pommes ou empiler des pots de yaourt sur des palettes !
Plus sérieusement, vous avez un profil atypique, vous n’êtes, par exemple, jamais passé par une école de commerce. Pourquoi ?
Il est vrai qu’avant mon recrutement, le CIC New-York avait tendance à retenir quasi exclusivement des profils d’étudiants d’école de commerce. Bien qu’intéressé par le commerce international, je n’ai jamais été attiré par ce type de formation. Originaire du Mans, j’ai préféré faire mes études en commerce international (BTS puis licence) à l’Université du Maine-Le Mans-Laval. Grâce à mon université, j’ai pu effectuer un an d’étude aux Etats-Unis à l’Université d’Arkansas.
Après deux bachelors, un beau CV, et la première année à IRIS Sup’, vous avez choisi d’intégrer le diplôme en Géoéconomie et intelligence stratégique ? Comment ce choix a-t-il contribué à rendre votre profil attractif au CIC ?
La géoéconomie et l’intelligence stratégique ? C’est ce que nous faisons tous les jours au CIC ! Etudier les tendances pour permettre à nos clients, qui n’ont pas les yeux sur le marché américain, de comprendre son fonctionnement, repérer les appels d’offre qui peuvent les intéresser, identifier les réseaux de distribution, etc. Mon diplôme IRIS Sup’ est donc venu apporter une brique essentielle à la construction de mon cursus. J’ai choisi l’IRIS car les problématiques qui y étaient développées me paraissaient aussi bien pertinentes que différenciantes. A la fin de mon cursus, je pouvais revendiquer un profil atypique, spécialisé dans le commerce international, orienté vers l’intelligence économique, veille et stratégie d’entreprise, ainsi que mon ouverture sur les Etats-Unis, où j’ai également effectué des stages, notamment à la chambre de commerce. Ce profil différencié m’a permis d’intégrer le CIC.
Vous aviez fait le choix de faire votre mémoire de recherche sur l’intelligence économique dans les PME. Qu’est-ce qui a guidé ce choix ? Celui-ci vous a-t-il servi dans vos démarches professionnelles par la suite ?
Durant mon cursus, j’ai développé une appétence pour les petites et moyennes entreprises qui constituent le principal composant du tissu économique français. Le but de mon mémoire à IRIS Sup’ était d’identifier comment l’intelligence économique sert les PME et PMI. A l’époque, cette discipline était récente. Si les grands groupes disposent de leur propre service ou les moyens nécessaires pour faire appel à un prestataire en intelligence économique, celle-ci figurait rarement parmi les priorités des PME, par manque de temps et de ressources. Elle leur est pourtant essentielle puisque celles-ci exportent et tentent d’accéder à des marchés qu’elles ne connaissent pas. Le but de mon mémoire était d’élucider si l’intelligence économique pouvait être rendue accessible aux PME. Une fois encore, mon expertise sur les PME et l’intelligence économique, acquise durant mon mémoire, s’est avérée d’une grande utilité sur le marché du travail puisqu’aujourd’hui, mon service accompagne principalement ce type de société. En outre, la manière dont les cours sont articulés à IRIS Sup’ permet aux étudiants de multiplier stages et expériences professionnelles. J’en ai profité pour réaliser un stage de six mois en intelligence économique et conseil stratégique à l’ADIT (groupe spécialisé en intelligence économique et stratégique). Mon expérience aussi bien théorique que pratique en intelligence économique a aussi constitué une plus-value.
Conservez-vous des relations avec vos anciens camarades de l’IRIS ?
Nous sommes tous partis dans des directions différentes. Certains sont restés en France, d’autres sont également en Amérique du Nord, notamment à Houston ou encore à Montréal. Ça fait plaisir de voir que beaucoup se sont, comme moi, expatriés. Malgré la distance, on conserve une cohésion de groupe. Un ancien camarade m’a contacté pas plus tard que la semaine dernière.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants d’IRIS Sup’ ?
Le conseil que je leur donne est simple : multipliez les expériences en entreprise et en institution. IRIS Sup’ et les horaires aménagés des cours laissent le champ libre à ceux qui souhaitent exercer une activité professionnelle. Ils obtiendront, d’une part, une expérience professionnelle appréciable ; d’autre part, une orientation vers des choix de métiers qui leur correspondent. En arrivant à IRIS Sup’, je souhaitais être diplomate. Au contact de mes professeurs et après mes stages, j’ai compris que le quotidien d’une administration française n’était pas nécessairement en phase avec mon franc parlé et ma vision pragmatique axée « business », et que j’aurais plus de probabilités de m’épanouir au sein d’une entreprise. Le fait que les professeurs d’IRIS Sup’ soient accessibles pour délivrer conseils et recommandations est également un plus pour les étudiants.
Vous n’avez pas hésité à partir travailler outre-Atlantique. Recommanderiez-vous l’expatriation ?
Je le recommanderais, mais avant d’envisager une expatriation, il faut disposer d’expériences et d’informations nécessaires sur le pays cible pour faire son choix. Des Volontariats internationaux en entreprise (VIE), stages ou échanges universitaires, peuvent aider à se faire une opinion sur le pays. Car les démarches sont difficiles et derrière les séries télévisées, il y a une réalité. L’univers américain est particulier et les modes de vie sont différents. Les Etats-Unis, on aime ou on ne reste pas. Personnellement, je suis un pur produit du soft power américain. Je suivais avec enthousiasme les séries américaines qui ont inondé nos télévisions dans les années 80-90. De plus, j’avais une cousine qui vivait en Floride à cette période, j’ai donc saisi la moindre opportunité pour découvrir ce pays à travers les études et les stages, au lycée dans l’Etat du Texas où je me suis découvert une passion pour le football américain, à l’université en Arkansas, à Detroit dans l’industrie automobile, ou encore à Los Angeles dans le secteur de la logistique. Les démarches n’ont pas été faciles, j’ai dû batailler pour avoir l’opportunité d’acquérir de l’expérience outre-Atlantique. Les procédés pour obtenir un visa sont compliqués. Lorsqu’une entreprise veut embaucher un étranger, elle doit accepter de prendre en charge les démarches administratives. Mes professeurs ont parfois tenté de m’en dissuader en m’incitant, par exemple, à faire un échange universitaire dans un pays européen, plus facile, plus proche. Lorsque j’étudiais à l’Université du Maine-Le Mans-Laval, j’ai été plusieurs fois le dernier étudiant à trouver un stage, déterminé à repartir aux Etats-Unis. Mes professeurs s’inquiétaient, j’avais beaucoup de pression.
Quelles sont les différences notables que vous avez pu constater dans les démarches de recherche d’emploi entre la France et les Etats-Unis ?
Il faut être beaucoup plus vendeur aux Etats-Unis. Quand vous êtes New-Yorkais, il vous faut, dès l’âge de trois ans, des lettres de référence pour intégrer une bonne école maternelle. Avant l’entrée en primaire, il vous faut passer un entretien ! Les Américains apprennent donc à se mettre en avant dès le plus jeune âge. Et il faut être vendeur ! En France, un étudiant à la recherche d’un stage aura tendance à détailler son parcours et à expliquer ce que l’entreprise apportera à son cursus. Les entreprises américaines ne s’intéressent pas à ces détails ; en revanche, elles veulent savoir quels problèmes vous serez en mesure de résoudre au sein de l’entreprise. Il faut être porteur de solutions. Aux Etats-Unis, un patron ne cherche pas à vous donner de l’expérience, il cherche une solution. La solution, c’est l’employé.
Êtes-vous « here to stay » ?
A ce stade, ma vie est clairement aux Etats-Unis. Je suis marié à une Américaine et, dans quelques jours, futur papa d’un petit Franco-Américain. Professionnellement, je m’épanouis dans mon entreprise où j’aide les entrepreneurs français à se développer ici. J’ai le sentiment de participer à mon niveau au soutien de l’export français. Les Etats-Unis offrent plus facilement la possibilité d’entreprendre et de développer un projet. C’est une idée qui pourrait m’intéresser dans un futur plus ou moins proche. Cependant, l’attachement à la France reste profond. L’idée de mettre à profit mon expérience acquise sur le marché américain à une entreprise ou une institution, basée en France, pourrait également être un challenge intéressant.
Plus d’actualité du même type
Toute l'actualité-
Nouvelles des anciens — 29 avril 2024
Aparté avec un ancien – Jean-Baptiste Laureau, associé et directeur de la stratégie chez Madaré
Lire la suite -
Nouvelles des anciens — 9 janvier 2024
Podcast : Thibaut revient sur sa mission de chargé de plaidoyer au Congo
Lire la suite -
Nouvelles des anciens — 22 février 2022
Aparté avec un ancien – Yohan Brochard, chargé de marketing international chez Expanscience
Lire la suite -
Nouvelles des anciens — 10 novembre 2021
Aparté avec une ancienne – Zoé Rodriguez Vezard, consultante junior chez Reputation Age (RAGE)
Lire la suite